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NATURE JURIDIQUE DE L' OPUS DEI

NATURE JURIDIQUE DE L' "OPUS DEI"

Lorsque Mgr Escrivá de Balaguer fonde l' "Opus Dei", il se trouve devant un vide juridique. Il n'existe rien qui corresponde à ce que Dieu lui demande et le droit en vigueur n'offre aucune possibilité qui réponde au caractère à la fois universel et pleinement séculier de l'institution. "Il fallait créer toute la doctrine théologique et ascétique, toute la doctrine juridique", déclare le fondateur. Il précise aussitôt: "Je me suis trouvé devant une solution de continuité de plusieurs siècles".

Le Code de 1917, alors en vigueur, ne prévoyait que le droit des religieux pour les institutions internationales. Comme souvent dans la vie de l'Eglise, "la vie, le phénomène pastoral vécu", précédera la norme. C'est ainsi que naîtrait le cadre juridique adapté à la vie de personnes qui ne peuvent se comparer, au fond, qu'aux premiers chrétiens.

"Lisant la "Lettre à Diognète", texte qui remonte à la plus haute antiquité de l'Eglise, je n'ai pu m'empêcher de penser à l' "Opus Dei" et à son fondateur, écrit Mgr Lallier, archevêque de Besançon, à cette insertion naturelle dans le monde des membres de l' "Opus Dei", et à ce qu'ils tâchent d'y accomplir, comme aux débuts de la chrétienté."

C'est en 1941, sans précipitation donc, que l'archevêque de Madrid approuve l' "Opus Dei" en qualité de "pieuse union". Le problème juridique restait cependant posé, car l'apostolat voulu par Dieu pour son "Opus Dei", s'écartait de cette forme associative. Cette décision avait au moins le mérite de montrer clairement, à une époque d'incompréhensions et même de calomnies, que l'autorité ecclésiastique encourageait et louait l' "Opus Dei", comme elle n'avait, d'ailleurs, cessé de le faire depuis le premier jour.

I. LES APPROBATIONS DU SAINT-SIEGE

Un problème aigu se posait: celui de l'incardination des prêtres, exigence vitale pour l'Oeuvre. Le fondateur sait qu'une solution sera trouvée, car les prêtres incardinés à l' "Opus Dei" étaient présents dans la vision globale qu'il a eue le 2 octobre 1928.

En juin 1943, Alvaro del Portillo, Secrétaire général, est envoyé à Rome par le fondateur, et le nihil obstat est obtenu du Saint-Siège autorisant l' "Opus Dei" à former et à incardiner ses propres prêtres, issus des membres laïcs. Trois ans plus tard, en août 1946, Mgr Escrivá de Balaguer obtient du Saint-Siège un document "d'approbation des fins". Semblable document n'avait pas été délivré depuis plus d'un siècle. En outre, le fondateur, qui avait dû se rendre à Rome, a l'assurance qu'une solution pourra être trouvée en dehors de la législation canonique en vigueur.

En effet, le 2 février 1947, la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia crée la figure juridique des Instituts séculiers dans le cadre général des associations de fidèles. Le 24 du même mois, l' "Opus Dei" est approuvé comme premier Institut séculier par le décret Primum Institutum. Il devient ainsi un institut de droit pontifical avec la faculté d'incardiner ses propres prêtres. Le décret reconnaît aussi l'existence de la Société Sacerdotale de la Sainte Croix au sein de l' "Opus Dei".

Cette solution était "la moins inadéquate", compte tenu de ce qui était possible à cette époque. Elle mettait bien l'accent sur la sécularité comme élément juridique déterminant les deux autres aspects essentiels d'un Institut séculier, la vie de consécration et l'apostolat. Mais cet aspect de consécration ne répondait pas à la nature particulière de l' "Opus Dei". Celui-ci ne s'inquiète, pour ses fidèles, "ni de voeux, ni de promesse, ni d'aucune forme de consécration autre que la consécration que nous avons tous reçue par le baptême".

La "sécularité consacrée" est indéniablement une grande richesse pour l'Eglise. Mais elle ne répond pas au charisme de fondation de l' "Opus Dei" et Mgr Escrivá de Balaguer se devait de tout mettre en oeuvre pour respecter fidèlement la volonté de Dieu. Nous pouvons reprendre ici le souhait formulé par le card. Etchegaray lors des ordinations du 30 août 1981: "Que les communautés diocésaines se réjouissent des nouveaux chemins de sainteté que l'Esprit ouvre indistinctement à tous les hommes".

Pie XII signe le décret Primum inter d'approbation définitive de l' "Opus Dei" le 16 juin 1950. Plus long que de coutume, ce document reprend les aspects spécifiques de l' "Opus Dei". Le Saint-Siège l'autorise en même temps à admettre des coopérateurs non catholiques et même non chrétiens. C'est la première fois qu'une telle décision est prise dans l'Eglise. Elle manifeste la portée oecuménique de l'esprit de l' "Opus Dei". Dans un entretien accordé au Figaro le 16 mai 1966, Mgr Escrivá rapporte que dans une audience de Jean XXIII, il lui dit:

"Dans notre Oeuvre tous les hommes, catholiques ou non, ont toujours trouvé une place accueillante: je n'ai pas appris l'oecuménisme de Votre Sainteté." Et le Saint-Père Jean se mit à rire, tout ému."

Un grand pas en avant avait été fait. Mais tout n'était pas encore réglé. Le fondateur de l' "Opus Dei" s'en était ouvert filialement au Pape en 1962: attendant patiemment qu'une solution définitive puisse voir le jour, il introduisait alors auprès du Saint-Siège "la demande humble et confiante de ce que l'on concédât à cette Institution une configuration ecclésiale appropriée, tenant compte de sa nature théologique et authentique, afin de viser la plus grande efficacité apostolique" (Jean-Paul II).

"Il est apparu clairement que cette figure juridique s'adaptait parfaitement à l' "Opus Dei"" écrit encore Jean-Paul II dans la Constitution apostolique Ut sit, du 28 novembre 1982, en se référant aux prélatures personnelles sanctionnées par le Concile Vatican II dans le décret Presbyterorum ordinis (nº 10) et le "motu proprio" Ecclesiae Sanctae (nº I, 4) qui a appliqué ce décret le 6 août 1966. Le Pape rappelle que Paul VI avait accueilli avec bienveillance la demande du Serviteur de Dieu et qu'il l'avait encouragé à convoquer un congrès général spécial dans le but d'amorcer l'étude d'une transformation juridique de l' "Opus Dei" en accord avec les normes du Concile Vatican II, tout en respectant la nature propre de l'institution. Jean Paul II explique ensuite qu'il a lui-même ordonné expressément la poursuite de cette étude et chargé en 1979 la Sacrée Congrégation pour les Evêques, à laquelle cela incombait, en raison de la matière, d'examiner la demande formelle présentée par l' "Opus Dei".

II. L'ERECTION EN PRELATURE PERSONNELLE

Décrivons d'abord l'institution juridique de la prélature personnelle telle que la prévoit le nouveau Code de Droit canon promulgué par Jean-Paul II le 25 janvier 1983, en en cernant la nature et la finalité, puis en précisant ses rapports avec l'évêque diocésain.

Nous passerons alors à la pratique, à l'application concrète à l' "Opus Dei". Là aussi, nous délimiterons la nature et la finalité de la Prélature de la Sainte Croix et "Opus Dei", avant de parler de ses fidèles.

Enfin nous accorderons une place spéciale au statut des prêtres, en distinguant le clergé de la Prélature de l' "Opus Dei" et la place qui est reconnue dans la Societé Sacerdotale de la Sainte Croix aux prêtres incardinés dans un diocèse.

1. Les prélatures personelles

Le nº 10 du décret Presbyterorum ordinis a été explicité par Paul VI dans le "motu proprio" Ecclesiae Sanctae, I, nº 4 du 6 août 1966. Ultérieurement, la Constitution apostolique Regimini Ecclesiae universae réformant la Curie a, dans son nº 49 §1, placé les prélatures personnelles sous la dépendance de la Sacrée Congrégation pour les Evêques. Enfin le Code traite des prélatures personnelles dans un Titre propre qui comprend les canons 294 à 297.

a) Nature de la prélature personnelle

Au vu de ces textes, nous pouvons définir les prélatures personnelles comme des entités érigées par le Saint-Siège au sein de l'organisation de l'activité pastorale de l'Eglise. Ce sont donc des institutions ecclésiastiques gouvernées par un Prélat propre, institué par le Pape avec un pouvoir ordinaire et propre de juridiction. Elles sont constituées pour des activités pastorales ou missionnaires particulières, sans porter atteinte aux droits légitimes des évêques diocésains.

Le Prélat a le droit d'ériger et de diriger un séminaire national ou international dont les élèves recevront la formation nécessaire pour être promus aux ordres sacrés et être incardinés dans la prélature. C'est une des nouveautés introduites dans le droit commun par Presbyterorum ordinis, nº 10. L'incardination du clergé séculier n'est plus nécessairement liée à une circonscription territoriale; elle peut avoir lieu dans une prélature personnelle qui, par nature, n'a pas de territoire propre.

Ces prêtres font partie du clergé séculier. Le Prélat doit veiller à leur vie spirituelle, à leur formation particulière continue et à leur confier un ministère précis dans le cadre des tâches pastorales spécifiques de la prélature ou, éventuellement, par des conventions passées avec les Ordinaires des diocèses où ils seront envoyés. Il doit prendre également soin de ceux qui sont malades ou âgés ou qui, pour quelque cause que ce soit, sont amenés à abandonner la charge qui leur avait été confiée.

Des laïcs, célibataires ou mariés, peuvent coopérer de façon organique dans les tâches de la prélature. Ils le font par un lien contractuel (et non par des voeux) dont la détermination est laissée aux statuts de chaque prélature, statuts qui sont donnés cas par cas par le Saint-Siège (canons 295 et 296).

Tous, prêtres et laïcs, s'adonnent à la finalité concrète de la prélature, en accord avec ses statuts et sous la juridiction du Prélat, qui doit toujours respecter, ad normam iuris, les droits qui appartiennent à l'Ordinaire du lieu.

Ces caractéristiques particulières distinguent nettement les prélatures personnelles aussi bien d'avec les Eglises particulières ou diocèses que d'avec les institutions à caractère associatif (Instituts de vie consacrée, Societés de vie apostolique, Associations de fidèles), même si elles possèdent des éléments constitutifs (Prélat et clergé incardiné) qui se retrouvent dans les diocèses et même si rien n'empêche qu'un phénomène de type associatif puisse être à l'origine d'une prélature personnelle.

Enfin les prélatures personnelles sont, par nature, des structures séculières de la pastorale de l'Eglise. C'est pourquoi elles dépendent de la S. Congrégation pour les Evêques.

b) La finalité des prélatures personnelles

Les prélatures personnelles sont érigées par le Saint-Siège en vue de réaliser des activités pastorales ou missionnaires particulières, stipule le Code (canon 294) en reprenant les termes du "motu proprio" Ecclesiae Sanctae.

La finalité de la prélature personnelle s'insère dans le cadre plus vaste de la finalité générale de l'Eglise universelle de salus animarum. Cette finalité, décrite en termes larges par le Code, permet une grande souplesse et devrait autoriser une utile variété de finalités et de structures à l'heure d'ériger ces prélatures, en observant toujours les normes établies par le droit général.

c) Les rapports avec l'évêque diocésain

Les Conférences épiscopales des territoires où les prélatures personnelles vont travailler sont entendues avant leur érection.

Les statuts de chacune doivent prévoir les rapports avec les évêques des diocèses où elle désire exercer ses tâches pastorales ou missionnaires, avec le consentement préalable de l'Ordinaire du lieu (canon 297). Le Saint-Siège s'occupe de ce que les statuts sauvegardent les droits des évêques diocésains, ce qui montre que la prélature personnelle ne se situe pas en marge de ces derniers, mais qu'elle s'inscrit dans le droit commun de l'Eglise. Tout en étant une structure juridictionnelle à caractère personnel, elle n'est pas assimilable aux institutions ecclésiastiques fondées sur le principe de l'indépendance ou de l'autonomie par rapport aux diocèses, telles que les diocèses personnels, les prélatures nullius dioecesis ou territoriales, les diocèses rituels des Eglises orientales.

En outre, faisant partie de l'organisation pastorale de l'Eglise, la prélature personnelle ne peut pas être davantage comparée aux formes d'association reconnues par le Code ni, parmi celles-ci, aux Instituts de vie consacrée, religieux ou autres.

2. La Prélature de la Sainte Croix et "Opus Dei"

Le 23 août 1982, le Vatican a annoncé que le Saint-Père avait décidé d'ériger l' "Opus Dei" en prélature personnelle. L'Osservatore Romano du 28 novembre suivant publiait une Declaratio de la S. Congrégation pour les Evêques qui présente les caractéristiques principales de la première prélature personnelle. Cette Déclaration est accompagnée de deux textes: "Un bien pour toute l'Eglise", article du card. Baggio, et un commentaire de Mgr Costalunga, respectivement Préfet et sous-secrétaire de ladite Congrégation.

La Prélature de l' "Opus Dei" a été officiellement inaugurée le 19 mars 1983 au cours d'une cérémonie célébrée en la basilique Saint-Eugène, à Rome. En représentation du Pontife Romain, le Nonce en Italie a donné lecture de la Constitution apostolique Ut sit par laquelle est érigée la Prélature de la Sainte Croix et "Opus Dei", et remis la Bulle pontificale, datée du 28 novembre 1982, au Prélat, Mgr Alvaro del Portillo. Cette Constitution apostolique a été publiée dans AAS le 2-V-1983.

a) Sa nature

Il s'agit d'une prélature personnelle de domaine international. Elle dépend de la S. Congrégation pour les Evêques et "selon la matière en cause, traitera des questions correspondantes auprès des autres Dicastères de la Curie romaine". "Le Gouvernement central de la Prélature a son siège à Rome". L'oratoire de Sainte-Marie de la Paix, dans la crypte duquel repose le corps de Mgr Escrivá de Balaguer, est érigé en église du Prélat. "La Prélature est régie selon les normes génerales du droit et selon celles de la présente Constitution ainsi que selon ses propres Statuts", appelés "Code de droit particulier".

"L'Ordinaire propre de la Prélature de l' "Opus Dei" est son Prélat, dont l'élection, qui doit se dérouler en accord avec ce que le droit général et particulier établit, doit être confirmée par le Souverain Pontife".

Le Prélat possède un pouvoir de juridiction ordinaire, aussi bien sur les clercs incardinés à la Prélature que sur les laïcs qui y sont incorporés par un lien juridique à caractère contractuel, limité pour ce qui concerne ces derniers à la finalité spécifique de la Prélature et "substantiellement différent, par sa matière, de la juridiction qui revient aux évêques diocésains pour le soin pastoral ordinaire des fidèles". Ce n'est donc pas une juridiction cumulative avec celle des évêques, comme ce serait le cas pour le Vicariat aux Armées dont les fidèles relèvent à la fois du Vicaire des Armées et de l'Ordinaire de leur lieu de résidence pour le soin pastoral ordinaire.

La Prélature assure la coordination pastorale juste et nécessaire dans tous les diocèses où elle travaille, en respectant toujours les droits des Ordinaires des lieux. Ceux-ci reçoivent les statuts donnés à la Prélature par le Saint-Siège. Leur autorisation est toujours requise avant l'érection d'un Centre de la Prélature, Centre qu'ils peuvent visiter ad normam iuris. Ils sont "régulièrement informés des activités" qui s'y déroulent.

Ces caractéristiques sont fixées une fois pour toutes, et non ad experimentum, parce que c'est précisément l'expérience des cinquante-quatre années de l' "Opus Dei" qui a motivé la décision du Saint-Siège. Celle-ci tient compte, comme l'écrit le card. Baggio, d'une réalité apostolique et ecclésiale déjà existante, "dont la légitimité et la beauté du charisme, qui a été à l'origine de sa fondation, avaient été plusieurs fois reconnues par l'Autorité ecclésiastique".

La modification par rapport à la situation antérieure consiste en un changement de "vêtement" juridique comme l'a expliqué Mgr Alvaro del Portillo, nommé Prélat par Jean-Paul II. Le nouveau statut juridique correspond exactement à la réalité ecclésiale que nous avons décrite et qui reste telle quelle.

Le statut de prélature personnelle, qui est de droit commun, n'entraîne aucune exemption particulière à l'égard des Eglises locales. En effet, comme l'indique la Déclaration, ce statut ecclésial nouveau "rend encore plus parfaite l'insertion de l'institution dans la pastorale organique de l'Eglise universelle et des Eglises locales, et rend son service encore plus efficace".

b) Sa finalité

La finalité de la Prélature de l' "Opus Dei" est doublement pastorale. D'une part, le Prélat et son presbyterium s'occupent des fidèles laïcs incorporés à la Prélature et les aident à tenir les engagements qu'ils ont pris dans les domaines ascétique, apostolique et de formation doctrinale. D'autre part, le clergé et les laïcs de la Prélature réalisent ensemble une tâche apostolique qui a pour but de faire prendre conscience dans tous les milieux de l'appel universel à la sainteté et à l'apostolat et, plus concrètement, de la valeur sanctifiante du travail professionnel et de toutes les occupations courantes.

L'originalité de cette finalité consiste, on le reconnaît aisément, à mettre l'accent sur la sanctification et l'apostolat par et dans le travail. Nous retrouvons tout ce que nous avons dit précédemment sur la spiritualité de l' "Opus Dei". Et il est saisissant de constater ainsi que l'Eglise se dote d'une structure pastorale habituelle qui a pour finalité de mener à bien le charisme de fondation de l' "Opus Dei". Comme l'a déclaré le card. Corripio, archevêque de Mexico, "du point de vue pastoral comme du point de vue strictement juridique, il s'agit d'un événement de première importance et très positif, non seulement pour l' "Opus Dei" mais encore pour l'Eglise tout entière".

c) Ses membres

Les laïcs, de toutes conditions, origines et professions, qui se mettent pleinement au service de la réalisation de la finalité apostolique spécifique de la Prélature, en réponse à la vocation qu'ils ont reçue, assument des engagements qualifiés "de sérieux et importants". Ils le font "en raison d'un lien contractuel bien précis et non en vertu de voeux".

Ils sont sous la juridiction du Prélat pour tout ce qui a trait à ces engagements d'ordre ascétique, apostolique et de formation. Mais cela n'entraîne aucune rupture ou relâchement des liens qui les unissent à l'Eglise particulière à laquelle ils appartiennent de par leur domicile ou leur quasi-domicile. En effet, leur condition personnelle demeure inchangée. C'est-à-dire que, du point de vue théologique comme du point de vue canonique, ils "restent des fidèles laïcs courants de leurs diocèses respectifs". Ils conservent donc, chacun pris individuellement, toutes les obligations qui découlent de cette condition: obéissance aux normes territoriales regardant la doctrine, la liturgie, la pastorale et l'ordre public. Ils suivent de plus les normes générales données par le Saint-Siège ou les évêques diocésains à propos de l'apostolat des laïcs.

Bien loin d'être soustraits à la juridiction des Ordinaires du lieu, les laïcs de l' "Opus Dei" renforcent leur union à ceux-ci puisqu'ils sont sensibilisés à l'effort de vie ascétique et à l'apostolat, selon la spiritualité de l' "Opus Dei" qui prône l'adhésion sans réserve à l'Eglise et au Pape. Le card. López Trujillo, archevêque de Medellin, a pu ainsi exprimer sa reconnaissance "pour la façon dont l' "Opus Dei" représente dans l'Eglise, en Amérique latine, un progrès de fidélité, qui est l'unique forme de progrès existant dans l'Eglise".

Pour leurs choix temporels, les fidèles laïcs de la Prélature jouissent de la même liberté que les autres catholiques, leurs concitoyens et leurs égaux, dans les limites de la foi et de la morale catholiques, dans le respect de la discipline ecclésiastique et des lois civiles. La Déclaration affirme que la Prélature ne saurait faire siennes les activités professionnelles, sociales, politiques, etc., de ses fidèles.

3. Le statut des prêtres

a) Le clergé de la Prélature de l' "Opus Dei"

Arrêtons-nous d'abord aux prêtres qui constituent le presbyterium de la Prélature de l' "Opus Dei". Ils procèdent des membres laïcs. De ce fait, "aucun candidat au sacerdoce, diacre ou prêtre n'est soustrait aux Eglises locales", précise la Déclaration.

La Prélature ayant une portée universelle, elle assure la formation de ses prêtres d'après les normes de sa Ratio institutionis. Le Prélat est leur Ordinaire propre. Mais des liens subsistent avec l'évêque diocésain: tout comme les laïcs, ils observent les normes territoriales générales et sont, de surcroît, soumis à la discipline du clergé.

Appelés aux Ordres sacrés par le Prélat, ils en reçoivent les pouvoirs sacerdotaux pour s'occuper d'abord des fidèles et des activités de la Prélature, y compris par l'administration du sacrement de la réconciliation, tout en respectant toujours le droit de chacun de recourir au confesseur de son choix.

Ils ont besoin des pouvoirs accordés par l'autorité territoriale compétente pour exercer leur ministère auprès de fidèles n'appartenant pas à la Prélature. D'autre part, ils peuvent être appelés à remplir des tâches déterminées à la demande de l'autorité diocésaine, avec le consentement préalable du Prélat. Ils s'ensuit que, comme par le passé, l' "Opus Dei" n'a pas de pastorale sacramentelle (baptêmes, mariages, enterrements, etc.) ni de catéchèse propres. Tout ceci est du ressort des paroisses, des aumôneries ou d'autres instances diocésaines ou supra-diocésaines.

En tout état de cause, il ne faut pas oublier que le résultat de l'activité sacerdotale du clergé de la Prélature reste en grande majorité dans le diocèse, qui en est le premier bénéficiaire, et que l'insertion pastorale, on le voit bien, se réalise sans difficulté aucune.

b) La Societé Sacerdotale de la Sainte Croix

Association sacerdotale, indissolublement unie à la Prélature, elle a été érigée simultanément à celle-ci par un seul acte juridique doublement constitutif: Société Sacerdotale de la Sainte Croix dont le clergé de la Prélature fait partie ipso iure et qui a pour finalité de répandre le charisme de fondation de l' "Opus Dei" parmi les autres clercs.

Son Président est le Prélat de l' "Opus Dei". Mais il dispose d'un pouvoir de type associatif et non de juridiction sur les prêtres adhérant à l'Association. Cette précision est d'une extrême importance, parce que les prêtres incardinés dans les diocèses peuvent appartenir à cette Association pour vivre l'esprit de l' "Opus Dei" dans l'exercice de leur ministère sacerdotal. Ils ne font donc pas partie du presbyterium de la Prélature, "mais restent à tous les effets sous le régime de leur propre Ordinaire". Ils n'ont pas de supérieur dans la Societé Sacerdotale de la Sainte Croix et ne sont obligés d'obéir qu'à leur évêque.

Quand ils viennent à l'Association, ils ne sont pas perdus pour l'Ordinaire. Bien au contraire, ils ne sont admis que s'ils témoignent d'une grande vénération envers leur évêque et leur diocèse, et de désirs agissants de remplir leur ministère sacerdotal avec tout le zèle dont ils sont capables. Ils doivent faire leur la devise nihil sine Episcopo et vivre en communion fraternelle avec leurs confrères du diocèse, qu'ils s'efforcent d'aider à atteindre la sainteté sacerdotale et qu'ils encouragent à être loyalement soumis à l'ensemble de la hiérarchie ecclésiastique.

Il serait erroné de parler d'un groupe de prêtres de l'"Opus Dei", comme s'ils s'écartaient des autres prêtres de leur diocèse ou se mettaient en congé des activités proprement diocésaines. Nous avons vu qu'il n'y a aucun risque de ce côté-là. Ce dont on peut parler, en revanche, c'est de prêtres séculiers qui font partie de la Société Sacerdotale de la Sainte Croix, c'est-à-dire qui, tout en suivant les normes de direction spirituelle collective données par l'évêque diocésain, désirent vivre en accord avec une spiritualité spécifique en vertu du droit d'association qui leur est reconnu de part leur condition de baptisés —et donc de fidèles— et prennent librement, de ce fait, des engagements qui relèvent du domaine de leur vie privée.

III. CONCLUSION

Nous dégagerons une conséquence importante du mode apostolique de l' "Opus Dei" pour la vie des Eglises locales et de l'Eglise universelle. L'action de l' "Opus Dei" s'insère de façon toute naturelle dans la pastorale diocésaine qu'elle contribue même à mettre en oeuvre.

Il serait trop long de décrire toutes les modalités pratiques de cette insertion aussi bien des prêtres que des laïcs. La caractéristique principale de la collaboration de l' "Opus Dei" avec les Eglises locales découle de l'incitation à la sainteté personnelle au milieu du monde, parmi des personnes de toutes les catégories sociales et conditions de vie. Cette tâche fondamentale est réalisée par chacun des fidèles de la Prélature à travers l'apostolat personnel qu'il exerce dans son propre milieu familial et professionnel. "La Prélature doit être comme le ferment qui se dissout dans la masse", explique Mgr del Portillo et, pour cette raison, "elle n'agit pas d'habitude en groupe, mais par le moyen de l'apostolat personnel des laïcs".

Cet apostolat "personnel et capillaire" est difficilement quantifiable. Il produit d'abondants fruits de sainteté: conversions individuelles et vocations sacerdotales et religieuses qui favorisent l'élan missionnaire de l'Eglise et la constitution de foyers chrétiens; amélioration progressive des structures sociales dans lesquelles les fidèles de l' "Opus Dei" réalisent leur activité professionnelle; création de nombreuses institutions de promotion humaine imprégnées d'esprit chrétien.

Tout cela, et tant d'autres bienfaits, "reste dans les Eglises locales et représente une contribution très efficace à la pastorale diocésaine". Ceci explique la sollicitude de l'Eglise envers l' "Opus Dei" et la confiance qu'elle lui fait pour l'avenir, tel que cela ressort de la Bulle pontificale:

"C'est avec une grande espérance, écrit Jean-Paul II, que l'Eglise prodigue ses soins maternels et son attention à l' "Opus Dei", fondé sous l'inspiration divine par le Serviteur de Dieu Josemaria Escrivá de Balaguer..., afin qu'il soit à jamais un instrument apte et efficace de la mission salvifique que l'Eglise mène à bien pour la vie du monde."

DOMINIQUE LE TOURNEAU

Docteur en Droit canon

Romana, n. 1, Gennaio-Dicembre 1985, p. 117-125.

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